Je reviens en ce milieu de mois d'Août
pour vous parler cette fois, non pas de littérature, mais d'un
phénomène de société qui me tient à cœur.
Il s'agit du slut-shaming.
Vous ne connaissez sûrement pas le
terme, mais je suis presque sûre que vous l'avez déjà pratiqué au
moins une fois dans votre vie, à mon plus grand désarroi. Cela dit,
lorsque j'étais jeune et follement bête, j'ai aussi pratiqué le
slut-shaming. Preuve que l'on peut changer.
Alors, le slut-shaming, c'est quoi ?
![]() |
Exemple de slut-shaming. |
Si nous nous attardons quelques
secondes sur l'étymologie de ce charmant terme, nous découvrons
deux mots : «slut» soit salope en anglais, et «shaming» qui veut
dire humiliation. Ça nous en apprend déjà pas mal sur le
slut-shaming.
Je vais commencer par vous donner deux
exemples afin que vous compreniez ce qu'est le slut-shaming :
_ Mme X a couché avec une dizaine de
garçons de votre lycée. La réaction la plus probable ? «Mais
quelle pute celle-là, c'est vraiment une fille facile, qui ne sait
pas se respecter !»
_ Mme Y sort de chez elle avec une jupe
courte, un décolleté, du maquillage, des talons. La réaction la
plus probable ? «Putain mais elle s'habille comme une pute !»
Le point commun de ces deux exemples
ultra-courants – ne me dites pas que je mens, pour être lycéenne,
j'entends du slut-shaming horripiler mes oreilles assez souvent – :
le terme «pute». On aurait aussi pu le remplacer par salope, mais
en France nous utilisons plus souvent «pute».
Bien, maintenant, j'imagine que vous
avez compris en quoi consiste le slut-shaming : c'est le fait de
traiter les femmes de «salope», de «putes». En fait, on leur
donne une connotation très négative par rapport à leurs actions.
La question suivante est pourquoi ça
pose problème ?
![]() |
Autre exemple de slut-shaming. Ici, la femme n'a pas le droit au sexe selon une femme. |
Je pose cette question parce que les
gens en général ne voient pas souvent pourquoi cela serait un gros
problème, puisque c'est très courant d'assimiler les femmes à des
putes.
Au contraire, ça en dit long sur notre
société. J'espère que vous n'avez pas oublié, entre temps, que
dans l'expression «slut-shaming» nous retrouvons le mot «shaming»,
soit humiliation.
En effet, traiter une femme de pute ou
de salope mais aussi de bitch, slut, ou whore en anglais revient à
une humiliation pour cette femme, puisque c'est un terme très
péjoratif qui place la femme à un rang inférieur de part ses actions. La femme n'en
est plus une, non, elle est d'abord la «pute», la «salope». Et
comme elle est déshumanisée et qu'elle n'est plus femme, cela
permet d'encourager des pratiques d'autant plus terrifiantes comme le
viol.
Et bien oui, dans une logique affreuse
mais qui peut être pensée par les hommes comme les femmes, une
«pute» en tant que telle, ne se respecte pas, n'est plus vraiment
une femme mais un objet donc on peut la violer. C'est pourquoi
certaines féministes parlent de culture du viol.
Je tiens aussi à mettre en valeur un
autre élément problématique du slut-shaming. Le slut-shaming peut
être pratiqué par les hommes, mais pour ma part, je crois que je
l'ai plus souvent entendu de la bouche de femmes. Le sexisme ne vient
donc pas que des hommes, mais aussi des femmes, et ça fait peur,
parce qu'au lieu de faire comprendre qu'elles ne sont «ni putes ni
soumises», et encore moins des objets, les femmes se plantent
littéralement des cutters dans les paumes en se traitant elles-même
de termes dégradants. Et c'est triste.
Je tiens à revenir sur mes deux
exemples, pour vous éclairer sur les bien-fondés du slut-shaming :
_ Dans l'exemple 1, Mme X a couché
avec une dizaine de garçons et on la traite de pute. Or, les femmes
n'ont-elles pas le droit de disposer de leur corps comme bon leur
semble ? Si. Les femmes n'ont-elles pas le droit au plaisir sexuel ?
Si. Les femmes ne sont-elles pas des êtres humains comme les autres,
qui ressentent du plaisir ? Si. Bien. Je ne vois donc pas pourquoi il
faudrait traiter Mme X de pute, de salope, ou de tout autre terme
équivalent.
_ Dans l'exemple 2, Mme Y porte une
jupe courte, des talons, du maquillage, un décolleté. Pour
certains, Mme Y peut paraître provocante. Pour d'autres, Mme Y peut
sembler vulgaire. Mais cela justifie t-il le fait qu'elle soit
dévalorisée, dégradée pour ne plus être un être humain –
puisque les femmes sont des êtres humains – mais une sorte de
sous-fifre appelé pute ? Non. Et puis, Mme Y a t-elle le droit de
s'habiller comme elle le veut ? Oui. Mme Y a t-elle le droit de
disposer de son corps librement ? Oui. Donc, rien ne justifie des
insultes.
![]() |
Slut-shaming, encore. |
Je n'ai cependant pas fini avec le
slut-shaming. Maintenant, prenons un autre exemple : M. W a couché
avec une dizaine de filles du lycée et qu'elle va être la réaction
la plus probable ? «T'es un dieu, mec. T'assures.» et tous autres
compliments dans le même genre. Il y a donc une énorme différence
entre la femme et l'homme, n'est-ce pas ? Le sexe porte l'homme en
une personne honorable, et cela transforme la femme en
moins-que-rien. Pourtant, M. W et Mme X ont fait exactement la même
chose. Jamais vous n'irez traiter un homme ayant couché avec un
grand nombre de femmes de «pute» ou de «gigolo», de «prostitué»
? Voilà, nous avons mis le doigt sur un autre grand problème.
L'homme est libre de coucher avec qui
il veut, quand il veut, combien de fois il veut, mais la femme ne
peut pas, ne doit pas. Sinon quoi ? C'est une pute, une salope, une
traînée, une fille facile … Et j'en passe.
Enfin, j'ai effectué une petite
recherche sur internet. J'ai tapé consécutivement les termes
«bitch» et «pute», dans la barre de recherches Google, et je
suis allée dans les images.
Pour le mot «bitch» j'ai notamment
trouvé une photo avec des dizaines de filles en maillots de bain,
une autre en trikini, ou encore une en sous-vêtements. Preuve qu'il
y a un grand problème dans notre société, puisqu'une fille en
maillot de bain ou en sous-vêtement a l'image d'une bitch.
Pour le mot «pute», je suis tombée
sur une photo de deux femmes s'embrassant, de deux femmes très
maquillées, et une photo de la chanteuse Priscilla quand elle était
ado : son seul tort ? Porter une chemise où l'on voit son nombril.
Voilà à quoi renvoient ces mots que
vous utilisez si souvent. L'utilisation de ces termes n'est justifiée
nulle part. Et elle n'est pas non plus justifiée lorsqu'une femme couche régulièrement avec plusieurs hommes différents, ou lorsqu'elle met des talons, une jupe courte, du maquillage, et un décolleté.
En conséquence, je voudrais vous dire
que, qui que vous soyez, hommes, femmes, vous devriez prendre
conscience de cela, vous rendre compte que la femme a le droit au
plaisir et doit pouvoir s'habiller comme elle s'entend sans se faire
traiter de termes inacceptables. C'est un manque de respect que
d'appeler une femme une «pute» ou une «salope». Et le respect,
tout le monde doit y avoir droit, ce n'est pas exclusivement réservé
aux hommes.
Il s'agit d'obtenir
l'égalité des sexes.
Sylphide.
** : Dans femmes, j'entends
aussi femmes transgenres, qui peuvent également être victimes de
slut-shaming.
Pour un autre article sur le slut-shaming, vous pouvez aussi cliquer ici.
Pour un autre article sur le slut-shaming, vous pouvez aussi cliquer ici.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire