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samedi 21 mars 2015

Méditations Philosophiques.



Et si on parlait philo, aujourd'hui ? Si on réfléchissait sur le monde, la vie, le sens de tout ça ? Après tout, qui ne s'est jamais posé des questions super poussées et compliquées, des questions parfois sans réponse sur un peu tout, et franchement n'importe quoi ? 

Ne prenez pas peur, la philo n'a jamais tué personne. Et puis, c'est beaucoup moins barbant et difficile qu'on le croit, de philosopher, c'est-à-dire de réfléchir, de s'interroger, de se construire une pensée personnelle. Et même si vous n'êtes pas en Terminale, et que vous n'avez donc pas eu le privilège de goûter les joies de la philo, je sais que vous pouvez le faire. Allez, voyons!

Vous devez sûrement vous demander pourquoi je viens vous embêter avec de la philo alors qu'il est l'heure de manger et que vous penser très fort à votre souper. Mais puisque l'appétit vient en mangeant.. la réflexion vient en philosophant ! Pas convaincu par mes jeux de mots .. ? Tant pis. 

Se questionner sur la vie et le monde, c'est vaste, me direz-vous ; et vous avez tout à fait raison. Mais aujourd'hui, parlons liberté, parlons sens de la vie, parlons tout simplement.




Hier, je déjeunais avec une de mes amies, et elle m'a demandé : pour toi, c'est quoi la liberté ? (Vous voyez, on y arrive à la philo). Je lui ai répondu qu'être libre pour moi, c'était choisir. Ça peut paraître obscur, et on peut aussi me rétorquer, que choisir c'est être privé de la liberté de ne pas choisir. Mais le fait de ne pas choisir peut aussi être considéré comme un choix...
Alors, pourquoi réduire la liberté au choix ? Parce que je considère que le fait de choisir signifie que nous avons plusieurs possibilités devant nous et donc que nous sommes libres devant celles-ci, que nous pouvons préférer manger des brocolis que du chocolat. Et j'estime que faire des choix me rend une personne libre ; celui qui ne choisit pas, me paraît rester prisonnier de son angoisse de choisir (voir la philosophie de Kierkegaard), alors que celui qui préfère une solution à une autre exerce sa pleine autonomie. 
L'idée de Descartes selon laquelle l'homme éduqué voit s'imposer devant lui de façon immédiate le choix est aussi intéressante : Descartes relie ainsi la liberté à l'éducation, et cela apparaît cohérent. En effet, l'homme possédant le savoir et la connaissance n'est-il pas plus libre que l'homme ignorant, puisqu'il a pleinement conscience des choix qu'il fait ? Dès lors, la culture serait un accès à la liberté. D'où l'importance que nous devons accorder au savoir.. 


En parlant du savoir, j'aime à déclarer qu'apprendre est une finalité en soi. Cette prise de position peut laisser perplexe, voire ne pas être comprise du tout. Elle signifie assez simplement que nous apprenons dans le but d'apprendre : apprendre possède donc une finalité interne, et non pas externe. L'apprentissage peut alors apparaître comme totalement dérisoire : si nous apprenons pour apprendre, ça ne fait plus sens, me diriez-vous. Et pourtant, je ne suis pas d'accord. 
Un exemple : déclarons que la persistance est une finalité en soi. Cela voudrait dire que nous persistons dans le seul but de persister. Or c'est là que nous atteignons l'incohérence : si nous persistons pour persister, nous risquons de tomber dans la sottise la plus brutale et de sombrer dans l'entêtement pur et l'étroitesse d'esprit. Persister ne peut donc pas être une finalité en soi : la persistance a besoin d'une cause externe - je veux rentrer dans l'école des Beaux-Arts, donc je vais persister -.
Mais apprendre ne nécessite pas forcément de but externe : apprendre est un enrichissement en soi, nous apporte de la culture et nous éclaire, nous permet de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.. Alors apprendre est une finalité en soi. J'apprends pour apprendre. 


J'avais aussi lu, que chez les orléanistes - représentants de la droite française sous la Monarchie de Juillet, de 1830 à 1848 -, la liberté et l'égalité étaient considérés comme antinomiques : la liberté et l'égalité étaient deux valeurs qui ne pouvaient pas s'accorder, elles étaient considérées comme fondamentalement différentes. C'est une idée que l'on retrouve aussi chez le philosophe Tocqueville, et qui paraît totalement farfelue en 2015, sachant que notre devise républicaine place ces deux concepts côte à côte...
Pourtant, cette pensée issue du libéralisme fait sens : en effet, Tocqueville explique que si dans une société démocratique le désir d'égalité est plus fort que celui de liberté, alors les êtres humains pourraient accepter un régime despotique, leur garantissant l'égalité. Cela serait le plus vérifiable chez les classes sociales les plus pauvres, désirant se "moyenniser" à tout prix. 
Cette analyse peut se retrouver dans la doctrine marxiste : une dictature du prolétariat doit être instaurée afin de briser les classes sociales et d'instaurer une société sans classes, et donc plus égalitaire. Néanmoins, une dictature est ce qu'elle est : une privation de libertés. Cela s'est transcrit dans la réalité par les régimes communistes en URSS, ou plus tard dans les démocraties populaires d'Allemagne de l'Est, de Pologne et tant d'autres. 
Si je comprends tout à fait le point de vue des orléanistes et de Tocqueville, l'égalité m'apparaît toutefois essentielle : elle permet aux êtres humains de ne pas sombrer dans des rapports de force et permet à chacun de nous d'accéder à des droits. En effet, comment les droits de l'homme, droits de la liberté, pourraient-ils s'appliquer sans le principe d'égalité ? Ils ne feraient plus sens. 
Ainsi, je considère l'égalité comme un chemin vers une liberté plus profonde : si nous sommes égaux du point de vue intellectuel par exemple, alors nous jouirons pleinement de notre autonomie. Bien sûr, il faut pour cela ne pas tomber dans l'extrême désir d'égalité tel l'expose Tocqueville. 


Autre réflexion : "Mon résultat était un échec, mais pas mon expérience". J'apprécie énormément cette phrase, qui permet de revaloriser la place de l'erreur ou de l'échec : effectivement, ces deux termes, par leur signification même, ont une connotation extrêmement négative. Ils sous-entendent que nous avons raté quelque chose, que nous n'avons pas réussi. 
La phrase citée précédemment met le doigt sur un point intéressant : le résultat d'une décision, d'un choix peut être un échec car j'aurais raté mon objectif, mais mon expérience ne sera pas un échec. Par exemple : je tente un concours très difficile, et je n'obtiens pas la place dans l'école voulue. On pourrait se focaliser sur notre déception, se dire que nous sommes vraiment nuls, que nous avons perdu notre temps.. Mais on pourrait aussi considérer que le fait de préparer ce concours nous a permis de gagner en autonomie, de repousser nos limites, de nous enrichir dans notre méthode de travail, d'acquérir une plus grande culture générale
Ainsi, l'expérience gagne un quotient positif. Et même l'échec du résultat peut se démarquer par son aspect éminemment fructueux : cela peut provoquer une remise en question bénéfique, permettant de tirer des leçons de certaines erreurs.
Cela permet d'éclairer ma position sur le choix évoquée précédemment : puisque je considère que toute expérience nous est profitable, faire un choix m'apparaît toujours meilleur que de ne rien faire ; même si je me trompe dans mon choix, j'aurais du moins essayé, j'aurais grandi, évolué, réfléchi. Alors que le non-choix représente une sorte de néant de l'âme, une passivité que je tiens en horreur...


"Vivre, c'est agir". C'est ma philosophie de vie. Ce qui explique pourquoi la passivité est mon ennemie. Je donne une grande valeur à l'action, ou à ce que Bergson appellerait l'homme d'action : c'est celui qui utilise ses connaissances, ses capacités intérieures et les réutilise dans l'instant présent. L'homme d'action, c'est aussi l'homme ordinaire pour Bergson. Alors, je suis bien contente d'être ordinaire. 
Agir cela signifie pour moi que nous prenons les choses en main et que nous essayons : essayer plutôt que de rester dans le non-choix, dans l'angoisse d'échouer.. Puisque l'expérience sera de toute façon positive. Vous voyez, ma philosophie de vie est cohérente. Je prends des décisions, donc j'agis. Par cette prise de choix, je me rends plus libre, et je m'enrichis. Et en cela, je vis. Et en vivant, j'agis. Belle circularité, n'est-ce pas ?
Mais Bergson pourrait sortir de sa tombe, épouvanté, et me dire que je rejette l'homme de contemplation : l'homme de contemplation est celui qui rêve, qui se promène dans le "cône de la mémoire" et n'utilise pas ses capacités dans l'instant présent. Lui, il n'agit pas, il observe, il imagine. Mais alors, si l'homme de contemplation contemple, n'est-il pas entrain de perdre sa liberté, puisqu'il n'agit pas ? Je ne le crois pas. 
Sartre pensait que l'imagination est une des plus grandes manifestations de notre liberté. Je suis d'accord avec lui : l'imagination est vaste, fertile, immense et nous permet donc de créer tout un tas de possibilités, elle nous permet d'explorer notre liberté et notre autonomie la plus totale. Et puis, imaginer, n'est-ce pas déjà agir ? Quand nous imaginons, nous envisageons des possibilités, nous osons, nous faisons des choix.. qui se concrétiseront ou pas dans le monde réel. Mais l'action, même mentale, est essentielle. Et est preuve de notre liberté.
Parce que si nous considérions que seule l'action externe est preuve de liberté, nous priverions bien des hommes de ce principe qui nous est si cher : en effet, combien d'êtres humains vivent encore actuellement dans des régimes autoritaires ou dictatoriaux les empêchant d'éprouver une liberté externe ? Dès lors, leur liberté interne devient essentielle. Par ailleurs, il me semble que le concept de liberté doit d'abord être ressenti au plus profond de l'être humain avant de pouvoir se concrétiser de facto. La liberté interne est donc première, et c'est d'elle donc découle la liberté externe.
J'opère alors une réconciliation entre l'homme de contemplation et l'homme d'action : tous deux utilisent pleinement leur liberté, mais de façon différente. Bergson ne me tombera pas dessus, Dieu merci. 


Tiens, parlons de Dieu. Et oui, même les sujets qui fâchent ne doivent pas être évincés. Sinon, de quoi parlerions-nous ? Même la couleur du ciel pourrait être sujet de débat. Par rapport à Dieu, sachez-le ou non, mais je suis athée. C'est ma croyance à moi, de ne croire en rien
Il y quelques mois, j'avais évoqué dans un article sur Noël le communautarisme et je l'avais imaginé comme une perspective possible.. Je reviens sur mes propos, étant donné que ma réflexion m'a mené sur d'autres chemins. Les attentats de Charlie Hebdo m'ont permis de me rendre compte de l'importance de la laïcité : que chacun croit à ce qu'il croit, mais que cela ne fasse pas parti du débat public. En effet, la laïcité est un concept qui fait entrer la religion dans le cadre purement privé ; et non public. La religion n'a donc plus sa place dans les affaires de l'état. Elle coexiste avec lui, mais elle n'agit pas directement sur lui.
Cette séparation de l'église et de l'état me paraît beaucoup plus saine : elle permet de ne pas imposer à notre société les dogmes qui sont ceux de la religion, et permet donc des avancées sociétales qui n'auraient pu être possibles sans cela. Par ailleurs, la religion d'un ne peut être imposée à tous : les athées n'étant pas croyants, les croyants doivent de respecter le fait qu'ils ne veulent pas se soumettre à des pratiques religieuses par lesquelles ils ne sentent pas concernées.
Et là, nous le sentons venir, tout droit sur nous : le blasphème. Je comprends que les croyants soient blessés lorsqu'ils voient une caricature du pape, de Mahomet, ou de leurs livres sacrés, ou d'eux-mêmes.. Mais je ne crois pas que la religion soit supérieure à d'autres convictions ou croyances ; elle relève du "sacré", certes, pour certaines personnes, mais pas pour toutes : et nous ne pouvons priver de droits une population sous prétexte qu'une partie de celle-ci se sentira offensée. Alors, rions de tout, caricaturons, et que grand bien nous en fasse : après tout, nous sommes libres.


Je tiens à finir mes méditations philosophiques (référence explicitement cartésienne) par la pensée de Nietzsche, tout en rebondissant sur le sujet religieux : dans son ouvrage Ainsi parlait Zarathoustra, ce même Zarathoustra annonce que Dieu est mort. Dieu est mort. Comme Dieu est mort, c'est un peu la panique : l'Homme va devoir créer de nouvelles valeurs, mais sans Dieu. C'est là le grand défi de l'Homme, s'il veut assurer sa survie. Et pour cela, il ne doit plus se faire homme mais surhomme : le surhomme sera celui qui aura réussi à créer de nouvelles valeurs malgré le décès de Dieu
Dès lors, la phrase que j'ai écrite précédemment se trouve invalidée "Ma croyance à moi, c'est de ne croire en rien" : c'est faux ; je dois inventer mes propres valeurs, distinctes de celle de la religion, y croire et les suivre. Dès lors, je survivrai. 
Je relève donc le défi d'être un surhomme ; et je ne veux être le dernier homme : le dernier homme est, pour Nietzsche, celui qui n'a plus du tout de valeurs, et ce à cause de la mort de Dieu. Et si, mes valeurs à moi étaient celles de la liberté, de l'égalité, de la fraternité ? Mais aussi de la laïcité, du respect, de l'ouverture d'esprit, de l'esprit critique, et de la réflexion ? A méditer.



PS : Promis, si je rate mes objectifs de vie, je deviendrais philosophe. 



Sylphide.